l m'en a fallu du courage pour braver le sale vent et les sales averses que les Bretons nous ont gentiment balancé hier pour aller faire mes courses chez mon ami Lidl. Mais ça en valait la peine... Je ne vais pas vous conter l'histoire de la meuf qui malencontreusement a glissé sur une feuille de salade en s'écrasant comme une bouse sur le carrelage et qui a empoché quelques deux-mille euros en portant plainte, c'est déjà fait. Pourtant, c'était presque aussi marrant. Il y avait Maurice et Jeannine les deux Brennous octogénaires lui, la casquette vissée sur la tête, le bide débordant du falzard, le tricot de peau marron et le tout maintenu par une jolie paire de bretelles bordeaux arborées d'épagneuls Bretons et de colverts en vol. Elle le foulard en plastique sur le crâne, la robe tablier avec encore les traces de la soupe du midi, l'odeur avec ( céleri, patates, poireaux), le rayon embaumait .. Ils venaient faire leurs courses en amoureux et se balançaient des mots d'amour tels que : " Bon t'avances Jeannine, y va y'avoir la queue !" C'est vrai que Jeannine abusait un peu de la gentillesse de Maurice qui avait bien voulu l'accompagner en voiture seulement parce qu'il pleuvait. C'était pas un habitué, ça se sentait tout de suite. Il était impatient et trépignait . Elle, prenait son temps pour choisir son paquet d'endives en les brassant et les retournant les uns après les autres pour vérifier qu'aucune ne soit abîmée. Maurice commençait à taper du sabot en lui disant : " Pff tu vois bien qu'c'est tous les mêmes !" et elle de continuer en le narguant. C'était un régal pour moi de les observer, cachée, entre les oignons et les patates douces. C'est alors que Je vis Maurice s'arrêter net, le regard luisant, le filet de bave au coin de la bouche, sur une caisse débordante de choux verts. Il ravala sa salive et dit à Jeannine qui toujours auscultait les endives : " On prendrait bien un chou verrrrt ??" (J'appuie sur le "R" car ils les roulaient tous les deux à l'espagnole) Et Jeannine de répondre : " Pour qui fairre ?" Maurice : " Bah ! pourr aller avec le faisan !" Jeannine n'acquiesça pas et déclara : " Non, j'aime pas !" Maurice déçu et quelque peu énervé lui rétorqua : " C'est nouveau ça, t'aime pas la potée ?? " Je sentais la conclusion de ce dialogue arriver et je commençais à me marrer toute seule dans mes moustaches (c'est l'hiver..) . Je voyais qu'elle était mal à l'aise face à la dernière question de Maurice, ça montait en elle comme un boulet de canon, elle allait lui répondre, et moi j'étais aux aguets le nez dans les poireaux, j'attendais cette conclusion qui n'arrivait pas. Et là, d'un seul coup, à gorge déployée, Jeannine balança : " BON, J'AIME PAS, ÇA M'DONNE DES GAZ !!!" J'étais comblée, j'en attendais pas moins, j'en avais assez pour ma journée et j'ai filé. Je sentais Maurice, qui un peu gêné me regardait partir le sourire aux lèvres. Moralité : "Il en faut peu pour être heureux".

L'idéal, c'est Lidl...

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